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DE L’ÉDUCATION PHYSIQUE.


question de savoir si le ciel ne se serait pas montré beaucoup plus bienveillant à notre égard, en nous offrant toutes choses déjà préparées, de telle sorte que nous n’aurions plus besoin de travailler ; cette question doit certainement être résolue négativement, car il faut à l’homme des occupations, même de celles qui supposent une certaine contrainte. Il est tout aussi faux de s’imaginer que, si Adam et Ève étaient restés dans le paradis, ils n’eussent fait autre chose que demeurer assis ensemble, chanter des chants pastoraux et contempler la beauté de la nature. L’oisiveté eût fait leur tourment tout aussi bien que celui des autres hommes.

Il faut que l’homme soit occupé de telle sorte que, tout rempli du but qu’il a devant les yeux, il ne se sente pas lui-même, et le meilleur repos pour lui est celui qui suit le travail. On doit donc accoutumer l’enfant à travailler. Et où le penchant au travail peut-il être mieux cultivé que dans l’école ? L’école est une culture forcée[1]. C’est rendre à l’enfant un très-mauvais service que de l’accoutumer à tout regarder comme un jeu. Il faut sans doute qu’il ait ses moments de récréation, mais il faut aussi qu’il ait ses moments de travail. S’il n’aperçoit pas d’abord l’utilité de cette contrainte, il la reconnaîtra plus tard. Ce serait en général donner aux enfants des habitudes de curiosité indiscrète, que de vouloir toujours répondre à leurs questions : Pourquoi cela ? À quoi bon ? L’éducation doit étre forcée, mais cela ne veut pas dire qu’elle doive traiter les enfants comme des esclaves.

Pour ce qui est de la libre culture des facultés de l’esprit, il faut remarquer qu’elle continue toujours. Elle doit avoir particulièrement en vue les facultés supérieures. On cultivera en même temps les inférieures, mais seulement en vue des supérieures, l’esprit[2], par exemple, en vue de l’intelligence. La règle principale à suivre ici, c’est de ne cultiver isolément aucune faculté pour elle-même, mais de cultiver chacune en vue des autres, par exemple l’imagination au profit de l’intelligence.

Les facultés inférieures n’ont par elles seules aucune valeur. Qu’est-ce, par exemple, qu’un homme qui a beaucoup de

  1. Zwangmässige Culture.
  2. Witz.