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PÉDAGOGIE.


temps, on admet avec raison qu’il faut parler à l’adolescent de ces sortes de choses sans détour et d’une manière claire et précise. C’est là sans doute un point délicat, puisque l’on n’en fait pas volontiers un objet d’entretien public. Mais tout sera bien fait si on lui en parle d’une manière sérieuse et digne, et si l’on entre dans ses penchants.

La treizième ou la quatorzième année est ordinairement l’époque où le penchant pour le sexe se développe dans l’adolescent (quand cela arrive plus tôt, c’est que les enfants ont été débauchés et perdus par de mauvais exemples). Alors aussi leur jugement est déjà formé, et la nature l’a tout juste préparé pour le temps où l’on peut parler de cela avec eux.

Rien n’affaiblit autant l’esprit et le corps de l’homme que ce genre de plaisir auquel on se livre sur soi-même ; il est tout à fait contraire à la nature humaine. Mais on ne doit pas non plus le cacher à l’adolescent. Il faut le lui montrer dans toute sa laideur, lui dire qu’il se rend par là impropre à la propagation de l’espèce, qu’il travaille à la ruine de ses forces physiques, qu’il se prépare une vieillesse précoce et qu’il mine aussi son esprit, etc.

Le moyen d’échapper aux tentations de ce genre, c’est de s’occuper constamment et de ne pas consacrer au lit et au sommeil plus de temps qu’il n’est nécessaire. Par ce moyen on chassera de son esprit les mauvaises pensées ; car, quoique l’objet n’existe que dans l’imagination, il n’en use pas moins la force vitale. Lorsque l’on porte son penchant sur l’autre sexe, au moins rencontre-t-on toujours quelque résistance ; mais lorsqu’on le porte sur soi-même, on peut le satisfaire à chaque instant. L’effet physique est désastreux ; mais les conséquences, relativement à la moralité, sont encore beaucoup plus fâcheuses. On transgresse ici les bornes de la nature, et le penchant n’est jamais assouvi, car il ne trouve jamais aucune satisfaction réelle. Des maîtres ont soulevé, au sujet des jeunes adultes, la question de savoir si l’on peut permettre à un adolescent de former une liaison avec une personne de l’autre sexe. S’il faut choisir l’un des deux partis, le dernier est assurément le meilleur. Dans l’autre cas le jeune homme agirait contre la nature, mais non pas ici. La nature l’a destiné à devenir un homme, et par conséquent aussi à propager son espèce, aussitôt qu’il est en état de se protéger