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ANALYSE CRITIQUE


humaine. Il en est de même de la prière qu’on fait en présence de certaines images ; car alors vous vous humiliez, non devant un idéal que vous présente votre raison, mais devant une idole, qui est votre propre ouvrage. »

Voici maintenant les questions casuistiques qui se joignent à ces préceptes 1[1] :

Questions casuistiques

« Le sentiment de la sublimité de notre destination, c’est-à-dire l’élévation d’âme, qui porte si haut l’estime de soi-même, n’est-elle pas chez nous trop voisine de la présomption, qui est directement contraire à la véritable humilité, pour qu’il soit sage de nous y exciter, ne fissions nous-même que nous comparer avec les autres hommes et non avec la loi ? Ou au contraire l’abnégation de soi-même n’aurait-elle pas pour effet de donner aux autres une très-médiocre opinion de notre valeur personnelle, et n’est-elle pas ainsi contraire au devoir du respect envers soi-même ? Il semble dans tous les cas indigne d’un homme de s’humilier et de se courber devant un autre. » « Les hautes marques de respect dans les paroles et dans l’attitude, même vis-à-vis d’un homme qui n’a point d’autorité dans l’État, — les révérences, les compliments, les phrases de cour, qui marquent avec une scrupuleuse exactitude la différence des rangs, mais qui n’ont rien de commun avec la politesse, laquelle est nécessaire même entre gens qui s’estiment également, — toutes ces formules pédantesques que les Allemands ont poussées plus loin que tous les autres peuples, tout cela n’est-il pas la preuve que le penchant à la servilité est très-répandu parmi les hommes ? Hæ nugæ in séria ducunt. Celui qui se fait ver, peut-il se plaindre ensuite d’être écrasé. »

De l’homme considéré comme juge naturel de lui-même, et de son devoir en cette qualité.

Kant vient de parler de la sublimité de notre nature morale et du respect qu’elle mérite : au nom de la dignité qu’elle nous confère, il a condamné la fausse humilité, qui la rabajsse en vue quelque avantage extérieur, tout en reconnaissant qu’il y a une bonne humilité et que cette humilité-là est un devoir. Il veut maintenant considérer l’homme comme juge naturel de lui-même, et montrer le devoir que cette[2]

  1. 1 P.100.
  2. 2 § 13, p. 101.