Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/129

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Mais il n’y a pas de danger que de lui même, sans y être forcé par des lois étrangères, il sorte de ses bornes et s’élance aussi témérairement dans le champ des purs êtres de raison. Mais si la raison, qui ne peut être pleinement satisfaite d’aucun usage expérimental des règles de l’entendement, usage toujours conditionné, veut être délivrée de cette chaîne de conditions, l’entendement est alors poussé hors de sa sphère, en partie pour représenter des objets sensibles dans une série si étendue qu’aucune expérience ne peut les embrasser, en partie même (afin de la compléter) pour chercher tout à fait en dehors d’elle des noumènes, auxquels la raison puisse rattacher cette chaîne, et par là en rendre enfin tout d’un coup la tenue pleinement indépendante des conditions expérimentales. Telles sont donc les Idées transcendantales qui, si elles ne sont pas, suivant la fin vraie mais cachée de la destination naturelle de notre raison, rapportées à des notions indéfinies, mais simplement à l’extension illimitée de l’usage expérimental, surprennent cependant par une apparence inévitable un usage transcendantal de l’entendement. Et cet usage, quoique trompeur, ne peut par aucune résolution être renfermé dans les limites de l’expérience ; une instruction scientifique peut seule, et même à la condition d’un effort, l’y retenir.