Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/131

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quelles nous connaissons les corps ne sont donc aussi que de purs accidents, même l’impénétrabilité, que l’on ne doit jamais se représenter que comme l’action d’une force dont le sujet nous échappe.

Mais il semble que nous ayons dans notre conscience même (le sujet pensant) ce quelque chose de substantiel, et même en une intuition immédiate ; car tous les prédicats du sens intime se rapportent au moi comme sujet, et ce sujet ne peut être à son tour conçu comme prédicat de quelque autre sujet. La plénitude des notions données comme prédicats par rapport à un sujet, ne semble donc pas être une simple Idée, mais bien l’objet, c’est-à-dire le sujet absolu même, donné dans l’expérience. Mais cette attente est vaine, car le moi n’est pas une notion[1] ; ce n’est que la désignation de l’objet du sens intime, en tant que nous ne le connaissons par aucun prédicat plus profond. Il ne peut, il est vrai, servir à ce titre de prédicat à une autre chose, mais il ne peut être davantage une notion déterminée d’un sujet absolu ; il n’est, comme dans tous les autres cas, que le rapport des phénomènes internes à leur sujet inconnu. Néanmoins cette idée (qui sert très bien, comme principe régulateur, à renverser complétement toutes les explications matérialistes des phénomènes internes de notre âme), par

  1. Si la représentation de l’apperception, le moi, était une notion qui servît à penser quelque chose, elle pourrait aussi être employée comme prédicat d’une autre chose, ou contenir en soi de ces prédicats. Or ce n’est rien de plus que le sentiment d’une existence sans la moindre notion ; ce n’est que la représentation de ce à quoi se rapporte toute pensée.