Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
PROLÉGOMÈNES A LA MÉTAPHYSIQUE

Si téméraire et si fausse que fût la conséquence, elle était du moins fondée sur une recherche qui méritait bien que les bons esprits de l’époque unissent leurs efforts pour résoudre aussi heureusement que possible le problème dans le sens où il avait été posé, solution d’où toute une réforme de la science eût dû bientôt sortir.

Mais le sort contraire qui s’attache toujours à la métaphysique voulut que Hume ne fût compris de personne. On ne peut voir sans en éprouver un certain déplaisir comment ses adversaires Reid, Oswald, Beattie, et enfin jusqu’à Priestley, manquèrent le point de la question, parce qu’ils admettaient toujours comme accordé cela même qui était en doute, et qu’ils prouvaient au contraire avec chaleur et le plus souvent avec une grande inconvenance ce dont il n’avait jamais eu la pensée de douter ; ils méconnurent tellement le signal de la réforme que tout resta dans l’ancien état de choses, exactement comme si rien ne fût arrivé. La question n’était pas de savoir si la notion de cause est légitime, applicable, et nécessaire par rapport à toute la connaissance de la nature, car Hume n’en avait jamais douté ; mais il s’agissait de

    rale, dit-il (Essais, IVe partie), sont les deux branches les plus importantes de la science ; les mathématiques et la science de la nature le sont beaucoup moins. » Mais cet esprit pénétrant ne voyait ici que l’utilité négative que devrait avoir la modération dans les prétentions exagérées de la raison spéculative, de manière à faire complètement disparaître tant de difficultés interminables et obstinées qui troublent le genre humain. Mais en cela il perdit de vue le réel dommage qui résulte de la soustraction faite à la raison des vues les plus importantes, d’après lesquelles seules elle peut assigner à la volonté le but suprême de tous ses efforts.