Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/167

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suprême aucune des propriétés en soi par lesquelles nous concevons des objets de l’expérience, et nous évitons par là l’anthropomorphisme dogmatique, mais nous les attribuons cependant à son rapport avec le monde, et nous nous permettons un anthropomorphisme symbolique, qui n’est, en fait, que dans le langage, et non dans l’objet.

Quand je dis que nous sommes forcés de considérer le monde comme s’il était l’œuvre d’une intelligence et d’une volonté suprême, je ne dis en réalité qu’une chose, c’est ce que le rapport qui existe entre une horloge, un navire, un régiment, et un horloger, un constructeur, un colonel, est le même qui existe entre le monde sensible (ou tout ce qui compose le fondement de cet ensemble de phénomènes) et l’inconnu que je ne connais par conséquent pas en lui-même, mais que je connais cependant par rapport à moi, par rapport au monde, dont je fais partie.


§ LVIII.

Cette connaissance est la connaissance par analogie, qui ne signifie pas, comme le mot l’indique ordinairement, une parfaite ressemblance de deux choses, mais une parfaite ressemblance de deux rapports entre choses entièrement dissemblables[1]. Grâce à cette

  1. Ainsi, il y a une analogie entre le rapport juridique des actions humaines et le rapport mécanique des forces motrices : je ne puis rien faire à autrui sans lui donner le droit de m’en faire autant sous les mêmes conditions ; de même qu’un corps ne peut agir avec ses forces motrices sur un autre, sans faire par là que l’autre corps réagisse sur lui dans la même mesure. Je puis donc, à l’aide de cette analogie, donner une notion