Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/172

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§ LIX.

Je me suis servi au commencement de cette observation de l’image d’une limite pour établir les barrières de la raison par rapport à son usage légitime. Le monde sensible ne contient que des phénomènes, qui ne sont pas des choses en soi. Celles-ci (noumena) doivent être admises par l’entendement, par la raison précisément qu’il reconnaît les objets de l’expérience pour de simples phénomènes. Notre raison embrasse les deux choses, et l’on se demande de quelle manière elle procède pour limiter l’entendement par rapport aux deux circonscriptions ? L’expérience, qui contient tout ce qui appartient au monde sensible, ne se limite pas elle-même ; elle passe d’un conditionné à un autre. Ce qui doit la limiter, doit être entièrement hors d’elle, et c’est le champ des êtres de pure raison. Mais c’est pour nous un espace vide, en tant qu’il se rapporte à la détermination de la nature de ces êtres de raison, et, en ce sens, nous ne pouvons pas sortir du champ de l’expérience possible, s’il s’agit de notions dogmatiquement déterminées. Mais comme une limite même est quelque chose de positif, qui ne tient pas moins à ce qu’elle renferme qu’à l’espace qui est en dehors de l’ensemble donné, c’est donc une vraie connaissance positive, à laquelle la raison participe par le fait seul qu’elle s’étend jusqu’à cette limite, de telle sorte cependant qu’elle ne cherche pas à la franchir, parce qu’elle n’aurait devant elle qu’un espace vide où elle peut bien concevoir des formes pour les choses,