Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/222

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S’il tend à prouver ce principe transcendantal, même par le principe de contradiction, ce n’est pas non plus sans une mûre réflexion et avec un dessein qu’il cacherait volontiers au lecteur. Il veut appliquer la notion de principe (Grundes), et par conséquent avec elle aussi furtivement la notion de causalité, à toutes les choses en général, c’est-à-dire en prouver la réalité objective, sans restreindre cette réalité aux ob­jets des sens, et échapper ainsi à la condition qu’ajoute la Critique, à savoir qu’il a encore besoin d’une intui­tion par laquelle cette réalité soit enfin démontrable. Or il est clair que le principe de contradiction s’ap­plique en général à tout ce qui peut seulement se penser, qu’il y ait là un objet sensible avec intuition possible qui y corresponde, ou que ce ne soit rien de semblable ; parce qu’il s’applique à la pensée en général, sans rapport à un objet. Ce qui ne peut subsister avec ce principe n’est évidemment rien (pas même une pensée). Quand donc M. Eberhard a voulu introduire la réalité objective de la notion de principe ou de rai­son (Grundes) sans se laisser restreindre aux objets de l’intuition sensible, il a du faire servir à cet effet le principe (das Princip) qui s’applique à toute pensée en général, la notion de raison (des Grundes), mais en la posant aussi de telle sorte que, malgré sa signification purement logique, elle semble cependant comprendre encore les principes réels (par conséquent le principe de causalité). Mais il a supposé au lecteur plus de sim­plicité dans sa confiance qu’on ne peut lui en attribuer, en ne lui accordant même que le jugement le plus médiocre.