Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/264

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déjà prouvée, pourquoi donc s’en sert-il dans une Critique qui n’a d’autre objet que les premiers fondements de toute connaissance, de préférence à la vieille expression d’inné (Angebornen) ? M. Eberhard dit (p. 390) : « Les raisons des images [ou figures] universelles, encore indéterminées, d’espace et de temps ont été créées avec l’âme. » Mais à la page suivante on doute de nouveau si par forme de l’intuition (il fallait dire : la raison de toutes les formes de l’intuition) j’entends les bornes de l’intelligence ou ces images mêmes. On ne comprend pas comment il a pu penser à la première supposition, même en doutant, puisqu’il doit bien savoir qu’il a voulu substituer ce mode d’explication de la sensibilité à celui qui a été donné par la Critique. Quant au second doute, à savoir si les formes de l’intuition ne sont pas dans ma pensée, les images indéterminées du temps et de l’espace même, il est facile à expliquer, mais il ne peut être approuvé. Car où ai-je jamais dit que les intuitions d’espace et de temps qui seules rendent des images possibles, soient elles-mêmes des images (qui supposent toujours une notion, dont elles sont l’exposition, par exemple la figure indéterminée de la notion de triangle, pour laquelle ne sont donnés ni le rapport des côtés ni les angles) ? Il s’est tellement habitué au jeu trompeur d’employer l’expression figurée, au lieu de celle de sensible, qu’elle le suit en toute occasion. Le fondement de la possibilité de l’intuition sensible n’est rien de ces deux choses ; il n’est ni bornes de l’intelligence, ni une image ; c’est la simple réceptivité propre de l’esprit