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DEPUIS LEIBNIZ ET WOLF.


principes de la connaissance du sensible, et à l’expérience même. Elle peut avoir eu lieu à quelque âge de la philosophie ; mais elle a été peut-être une sommation faite aux dogmatiques de prouver ces principes a priori sur lesquels même repose la possibilité de l’expérience ; et comme ils ne l’ont pas pu, l’expérience aussi leur aura été présentée comme douteuse.

Le troisième pas, le plus récent que la métaphysique ait fait, et qui doit décider de son sort, est la Critique de la raison pure même, par rapport à sa faculté d’étendre la connaissance humaine en général, à l’égard du sensible ou du sursensible. Si la Critique a tenu sa promesse, à savoir de déterminer la circonscription, la matière et les limites de cette faculté, si elle l’a fait en Allemagne, et même depuis Leibniz et Wolf, le problème de l’Académie des sciences serait résolu.

La philosophie avait donc à parcourir en métaphysique trois périodes : la première était celle du dogmatisme ; la seconde, celle du scepticisme ; la troisième, celle du Criticisme de la raison pure.

Cet ordre chronologique a sa raison dans la nature de l’intelligence humaine. Durant les deux premières périodes, l’état de la métaphysique peut chanceler pendant des siècles, passant d’une confiance illimitée de la raison en elle-même à une défiance sans bornes, et, à l’inverse, d’une défiance excessive à une confiance démesurée. Mais, par une critique de sa faculté même, la raison serait dans un état constant par rapport non seulement à l’externe, mais encore à l’interne, sans avoir besoin d’augmentation ni de diminution, et sans même en être capable.