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PROGRÈS DE LA MÉTAPHYSIQUE


avoir, outre leur rapport entre elles et les forces par lesquelles elles peuvent agir les unes sur les autres, certaines déterminations réelles qui s’attachent à elles ; c’est-à-dire qu’il ne suffit pas de leur attribuer des accidents qui ne consistent que dans des rapports extérieurs, mais qu’on doit leur attribuer aussi des accidents qui se rapportent simplement aux sujets, c’est-à-dire qui sont internes.

Mais nous ne connaissons pas d’autres déterminations réelles de l’ordre interne qui puissent être rapportées à quelque chose de simple que des représentations, et ce qui en dépend. Et si l’on ne peut pas les rapporter aux corps, il faut bien les attribuer à leurs parties simples, si on ne veut pas les regarder comme des substances intrinsèques dépourvues de toute réalité. Or des substances qui possèdent la faculté des représentations sont appelées par Leibniz des monades. Les corps se composent donc de monades comme de miroirs de l’univers, c’est-à-dire douées de facultés représentatives qui ne se distinguent de celles des substances pensantes que par le défaut de conscience, et sont par cette raison appelées monades endormies, dont nous ignorons si le sort ne doit pas les réveiller un jour. Peut-être ont-elles déjà passé successivement une infinité de fois du sommeil à la veille, de la veille au sommeil, pour de nouveau s’éveiller et s’élever insensiblement sous forme d’animal à la condition d'âmes humaines, et de là plus haut encore ; sorte de monde enchanté auquel cet homme illustre n’a pu être conduit que parce qu’il n’a pas admis des repré-