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PROGRÈS DE LA MÉTAPHYSIQUE

Mais avant que la métaphysique soit parvenue à faire cette distinction, elle confond des Idées qui peuvent avoir seulement pour objet le sursensible, avec des notions a priori, avec lesquelles cependant les objets de l’expérience sont d’accord, puisqu’elle n’a pas eu la pensée que l’origine de ces Idées pouvait être différente d’autres notions pures a priori. D’où il est arrivé une chose particulièrement remarquable dans l’histoire des aberrations de la raison humaine, c’est que cette raison s’étant reconnue capable d’acquérir une grande étendue de connaissances a priori de ce qui peut être un objet d’une expérience possible (non seulement en physique, mais aussi en mathématiques), et qu’ayant démontré par le fait la réalité de ces progrès, elle n’ait pu voir pourquoi elle ne peut pénétrer avec bonheur plus avant à l’aide de ses notions a priori, c’est-à-dire jusqu’aux choses ou à leurs propriétés.

Mais un autre phénomène remarquable a dû enfin tirer la raison du sommeil auquel elle se livrait sur l’oreiller d’un savoir qu’elle croyait étendre par des Idées en dehors de toutes les bornes d’une expérience possible ; c’est la découverte que les propositions a priori qui se bornent à l’expérience, non seulement forment un tout d’un bel ensemble, mais constituent également un système de la connaissance de la nature a priori, tandis que celles qui dépassent les limites de l’expérience, quoiqu’à la vérité elles semblent être i d’une origine semblable, sont en partie opposées entre elles, en partie contraires à celles qui se rapportent