Page:Karamsin - Histoire de l'empire de Russie, Tome XI, 1826.djvu/149

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ceaux. Non seulement on pillait, on assassinait pour un morceau de pain, mais on allait jusqu’à s’entre-dévorer. Les voyageurs redoutaient leurs hôtes, et les auberges devinrent des cavernes d’assassins. On étouffait, on poignardait les gens pendant leur sommeil, pour en faire un horible repas ! La chair humaine se vendait publiquement aux marchés ! Les mères dévoraient les cadavres de leurs enfans ! Ceux qui commettaient ces attentats étaient livrés aux plus affreux supplices ; mais les crimes ne cessaient point ; et, dans ce même temps, d’autres scélérats accaparaient et gardaient du blé, dans l’espoir de le vendre plus cher encore !… Un nombre infini de gens périssaient dans les tourmens inexprimables de la faim ; partout des hommes à demi morts erraient comme des ombres, tombaient et expiraient sur les places. Moscou aurait été empesté par la pourriture des cadavres, si le Tsar n’eut ordonné de les enterrer à ses frais, et s’il n’eut prodigué son trésor, pour ce dernier bienfait. Des employés parcouraient les rues de Moscou, ramassaient les morts, les lavaient, les enveloppaient dans des linceuils