Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/185

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choisir entre elles. Comment eût-elle eu le temps d’être triste et de rêver, quand il lui fallait tantôt jouer aux barres, tantôt manigancer quelque escapade avec toute la classe ou organiser des excursions pour délivrer la victime. Cette victime légendaire que personne n’avait jamais vue, mais qu’on s’imaginait exister dans quelque souterrain ou grenier du monastère et à laquelle toutes les pensionnaires croyaient, il fallait la délivrer, mais l’on ne savait où elle était murée. Elle était ce prétexte tout trouvé des rêveries auxquelles sont toujours si enclins jeunes gens et jeunes filles séquestrés du monde, rêveries qui servent de pâture à leur esprit et à leur imagination, leur donnant en même temps l’occasion de déployer leur volonté et l’excès de leur jeune énergie.

Dès le premier jour de son entrée au couvent, Aurore fût l’âme et le boute-en-train de tous les jeux. Elle s’enrégimenta sans balancer dans le camps des espiègles, à qui on avait donné le surnom de diables pour les distinguer des élèves exemplaires ou « sages », et des « bêtes ». Ces dernières n’étaient ni folles comme les premières, ni studieuses et dévotes comme les secondes ; elles se contentaient tantôt de rire à gorge déployée des espiègleries des « diables », tantôt de les blâmer avec les « sages » et, quand il y avait danger, elles ne manquaient jamais de dire : « Ce n’est pas moi, ce n’est pas nous. »

Parmi les compagnes d’Aurore, il y avait de très gentilles et sympathiques jeunes filles, portant pour la plupart de grands noms. Les pages que George Sand leur consacre dans son Histoire sont si bien senties et si bien écrites que nous ne nous permettrons pas de les répéter, d’autant plus que nous devons nous borner à signaler ici ceux des événements de la vie cloîtrée d’Aurore Dupin