Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/204

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était devenu indifférent, qu’elle ne rêvait qu’à rentrer au couvent, que sa piété avait pris un caractère chronique, qu’elle ne pensait qu’à se faire religieuse (la grand’mère l’avait appris par une amie d’Aurore, Pauline de Pontcarré) alors, l’adoratrice de Voltaire eut peur. Dans sa crainte de voir sa petite-fille devenir bigote et prendre le voile, elle lui annonça un beau jour de la fin de février 1820, qu’elle allait la retirer du cloître. Cette nouvelle tomba sur la jeune mystique comme un coup de foudre. Elle fut au désespoir. Mais la religion, au nom de Laquelle elle eût voulu rester au couvent, exigeait qu’elle se soumît à la volonté de ses parents, et elle dut obéir à sa grand’mère. Elle le fit surtout dans l’intention et avec La ferme conviction d’obtenir de son aïeule, aussitôt qu’elle le pourrait, l’autorisation de rentrer au couvent pour s’y fixer à jamais. L’abbé de Prémord et la mère Alicia ne firent rien ni pour la détourner ni pour l’affermir dans son projet. Ils lui conseillèrent de ne pas désespérer, de ne prononcer aucun vœu, d’avoir patience. « L’intention de votre grand’mère est de vous marier. Si dans deux ou trois ans vous ne l’êtes pas et que nous n’ayez pas envie de l’être, nous reparlerons de vos projets — lui dit le bon abbé, — et jusqu’alors attendons les événements. » Les événements ne se firent pas attendre, mais ils furent tout autres que ne les rêvait Aurore en faisant ses adieux à l’asile qui l’avait abritée pendant les plus heureuses années de sa jeunesse.


Aurore quitta le couvent avec regret et tristesse et fut profondément malheureuse tout le temps qu’elle passa à Paris avec son aïeule. D’un côté, elle était tourmentée par l’appréhension de quelque projet de mariage, d’un autre