Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/299

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l’avait accusée, qu’il lui gardait rancune, et que ce n’était chez lui qu’une feinte lorsqu’il appréciait la franchise de la confession de sa femme dont il avait méconnu jusque là le mérite.

Mais Dudevant était hypocrite, il sut cacher dès lors son ressentiment. En attendant, grâce aux efforts réunis de de Sèze, d’Aurore et de son mari, le petit drame romanesque se transforma en amitié idyllique. Comme réfutation des méchantes allusions et assertions de certains auteurs, comme Viel-Castel et autres, prétendant qu’Aurélien de Sèze avait été l’amant d’Aurore, il nous suffit de dire qu’Aurore n’avait aucun secret pour son mari. Elle lui communiquait toutes les lettres qu’elle recevait d’Aurélien en son absence, elle lui disait toutes leurs rencontres à Paris et à Bordeaux quand elle y allait seule, ou les arrivées d’Aurélien à Nohant, en l’absence du mari. De Sèze, de son côté, soutenait avec une sévérité très correcte son rôle de simple ami, et, comme le prouvent ses lettres de plusieurs années à Aurore et à Zoé Leroy, et celles d’Aurore à lui et à Zoé, il tâchait de maintenir constamment la jeune femme ardente et enthousiaste dans le ton quelque peu surélevé, romanesco-mystique, que leur amitié avait pris dès son début. C’était un homme très cultivé, ayant beaucoup lu, de tempérament assez froid, quelque peu ambitieux, plus tard même un peu trop épris de ses succès parlementaires, mais très probe, très honnête, et d’une vraie noblesse de cœur, digne représentant de la vieille magistrature française avec ses hautes traditions, ses mœurs sévères et les grandes qualités morales de sa corporation[1].

  1. Voir à ce sujet, entre autres, la brochure de M. Auguste Nicolas « M. Aurélien de Sèze » Notice biographique. (56 pages, in-8o. Paris, Charles Douniol et Vaton, 1870.)