Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/311

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per avec calme de ses enfants et paraître si sémillante, écrire des lettres si gaies, si joviales, à sa mère, à Caron et à sa tante Saint-Agnan ! Les lettres qu’elle écrivit à sa mère surtout sont très remarquables sous ce rapport. Elle sont pleines de descriptions de parties de plaisir et de bals, parlent de chiffons, racontent des plaisanteries, donnent des détails sur les faits drolatiques qui se passaient dans leur société ; Aurore parle, du ton le plus léger, le plus insouciant, de tout ce qui tombe sous sa plume, mais sans dire un mot de sa vie intérieure. C’est sans doute avec intention qu’elle écrivait sur ce ton, pour que sa mère ne pût soupçonner que tout était bien loin d’être heureux dans sa famille. C’est ainsi par exemple que, dans sa lettre inédite du 21 avril 1828, elle écrit, à sa mère : « J’ai beaucoup toussé en hiver et beaucoup souffert de la poitrine. C’est une mauvaise habitude que j’ai prise depuis trois hivers, mais le printemps est mon sauveur, et, après avoir été flétrie comme les arbres, je reverdis avec eux. Ne croyez pas non plus, chère maman, que ces dérangements de santé aient aucune cause morale. Je ne vous en ferais pas un mystère, car je serais bien sûre de trouver en vous plus d’indulgence et d’intérêt que partout ailleurs. On peut être malade à tout âge, et le corps peut aller fort mal, quoique la tête aille bien. La mienne est fort calme, quoique malheureusement assez vive, je ne sais si je dois m’en féliciter ou m’en plaindre, mais à coup sûr, vous ne devez pas m’en blâmer, car c’est un présent que vous m’avez fait, chère mère, et comme un héritage que vous m’avez légué. On dit que les gens ainsi faits ont plus de jouissances et de chagrins que les autres. »

En cet endroit le papier est déchiré. À la fin de la lettre, Aurore raconte avec ses plaisanteries habituelles et d’un