Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/457

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et poètes vinrent offrir à son esprit des doctrines diamétralement opposées.

Trenmor est un personnage par trop abstrait et condamné à la sublimité : aussi n’est-ce pas un type, mais simplement le raisonneur, le confident obligatoire de presque tous les ouvrages d’antan : c’est « l’ami Horatio » à qui s’adresse Hamlet ; c’est le Jarno dans les Années de voyage et d’apprentissage de Goethe ; bref, c’est l’écho du héros principal, la conscience du roman. Trenmor est cet ami idéal qui reparait si fréquemment dans les œuvres de George Sand, l’ami, dont le prototype était François Rollinat. Dans la lettre du 26 mai 1833, dont nous avons déjà cité deux fragments, George Sand lui écrit à propos de Lélia : « Je t’enverrai une longue lettre avant peu de temps ; c’est-à-dire un livre que j’ai fait depuis que nous nous sommes quittés. C’est une éternelle causerie entre nous deux. Nous en sommes les plus graves personnages. Quant aux autres, tu les expliqueras à ta fantaisie. Tu iras, au moyen de ce livre, jusqu’au fond de mon âme et jusqu’au fond de la tienne. Aussi je ne compte pas ces lignes pour une lettre. Tu es avec moi et dans ma pensée à toute heure.

Tu verras bien, en me lisant, que je ne mens pas »…

Et dans les pages du Sketches and Hints, nous lisons encore ce qui suit sur cet incomparable ami :

à F. R. (1833.)

« C’est vous, dont l’âme est forte et patiente, vous dont la tête est froide, vous dont la mémoire est pleine de la science du mal et du bien, vous, homme obscur, laborieux, résigné, c’est vous qui êtes vertueux et qui brillez dans mes