Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/103

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de l’amour ou de l’amitié, que j’aie été heureuse ou malheureuse avec toi, tout cela ne change rien à l’état de mon âme à présent. Je sais que je t’aime, et c’est tout… » C’est le cas de dire : « Quand on est ensemble, tout paraît étroit, lorsqu’on est séparé, tout paraît ennuyeux » ; ce proverbe russe tout trivial qu’il soit, est cependant bien juste. À peine se furent-ils séparés que Musset et George Sand comprirent combien leur était cher cet amour plein de tourments, agité, maladif, qui les avait liés l’un à l’autre, et qui éclata bientôt avec une nouvelle force ! George Sand commença à regretter celui qui l’avait martyrisée, outragée et qu’il lui avait fallu soigner et ménager comme un enfant capricieux, celui qui, après l’avoir maudite, se jetait à genoux pour l’adorer. Son nouvel amour lui apparaissait déjà fade, insipide, ennuyeux. Elle n’y trouvait ni « inspiration » ni tourment, ni passion. « Pagello est un ange de vertu — écrit-elle… Il est si sensible et si bon… Il m’entoure de soins et d’attentions… Pour la première fois de ma vie j’aime sans passion… Eh bien, moi, j’ai besoin de souffrir pour quelqu’un ; j’ai besoin d’employer ce trop d’énergie et de sensibilité qui sont en moi. J’ai besoin de nourrir cette maternelle sollicitude, qui s’est habituée à veiller sur un être souffrant et fatigué. Oh ! pourquoi ne pouvais-je vivre entre vous deux et vous rendre heureux sans appartenir ni à l’un ni à l’autre ?… »

Musset cependant, continuait à penser qu’il n’était plus qu’un « ami » et tâcha, aussitôt rétabli, de se distraire et de s’amuser ; mais ce fut en vain qu’il se lança de nouveau dans son ancienne vie de débauche, son cœur était resté à Venise. Les lettres de lui, les lettres d’elle devinrent de plus en plus agitées, plus ardentes, quoique tous deux ne