Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semblait à Paris absurde, insensé et même ridicule. Les amis de George Sand accueillirent Pagello par des railleries cachées, et une malveillance peu déguisée. George Sand se dégoûtait de son amour, et le pauvre Pagello sentait beaucoup mieux la difficulté de la situation où il s’était aveuglément jeté que ne le pensent tous les biographes de Musset et George Sand elle-même, car, comme cela se voit dans ses lettres et dans ses récits, Pagello était un homme délicat, sensible, loin d’avoir la grandeur d’âme de Musset dans les questions de sentiments, mais point du tout le « bellâtre », nul et simplet que nous dépeint entre autres, Lindau. Entre lui et George Sand il y eut dès lors tension et gêne.

Sur ces entrefaites, Musset qui avait appris le retour de George Sand, la suppliait de lui accorder une entrevue, pour dire un éternel adieu à leur amour et se résigner ensuite. Cette entrevue fut hélas fatale ! D’abord, ils crurent éprouver tous deux comme un calme et un soulagement et jurèrent qu’il ne leur restait du passé « qu’une sainte amitié ». Sous l’impression de cette entrevue, Musset écrivit le lendemain à George Sand[1]. Sa lettre, — charmante par sa candeur et la pureté du sentiment, — n’était encore qu’une méprise sur lui-même, un vrai mirage, et comme toute illusion ne peut s’éterni-

  1. La lettre a été publiée par M. Hédouin (Yorick) dans l’Homme libre du 14 avril 1877. Elle a été réimprimée dans le Figaro du 28 avril 1882, Des fragments en sont insérés dans les Souvenirs de Grenier et dans le livre de Mme Barine. Elle se termine par des vers, qui, comme les cinq sonnets dédiés à George Sand, n’ont été reproduits dans aucune édition des œuvres de Musset. Nous trouvons encore dans le volume des Poésies Nouvelles une pièce de vers que Paul de Musset n’a pas daigné orner d’un titre, car elle se rapporte également à George Sand. C’est celle qui commence par les mots, « Se voir le plus possible… » et ne porte aucune date.