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trouverais mêlée à ces cancans et cela me serait odieux. Ayez une réponse prête à toutes les questions : « Je ne sais pas. » C’est bientôt dit et ne compromet personne[1].

Il ressort clairement de tout cela, que George Sand, tout en reconnaissant que sa liaison avec Musset ne devait se prolonger, ne pouvait cependant cesser de l’aimer et de l’estimer comme homme, comme une belle âme, ni entendre mal parler de lui, ni souffrir qu’on le condamnât. Déjà un an auparavant, le 17 juillet 1834, lorsque Musset quitta Venise, Boucoiran s’était permis une phrase irrévérencieuse sur son compte, George Sand lui répondit alors : « Les causes qui pouvaient livrer ma vie au hasard sont à jamais détruites. J’en ai fini avec les passions. La dernière est celle qui m’a fait le plus de mal, mais c’est la seule, dont je ne me repente pas, car il n’y a eu dans mes chagrins ni de ma faute, ni de celle d’autrui. Vous dites que vous ne l’approuvez pas, mon ami. Il y a tant de choses entre deux amants dont eux seuls au monde peuvent être juges !… » Cette dernière phrase devrait toujours être présente à tous ceux qui jugent bon d’accuser tantôt l’une, tantôt l’autre des deux parties de ce triste roman. Musset, de son côté, garda non seulement dans le fond de son âme le souvenir de sa bien-aimée, mais se mit à exécuter le « monument » qu’il avait rêvé « de lui élever », comme il le lui disait dans une lettre de l’année précédente : « Je m’en vais faire un roman… J’ai bien envie d’écrire notre histoire. Il me semble que cela me

  1. Nous ferons remarquer en passant, que, lorsque George Sand était encore à Venise, et que Musset se trouvait déjà à Paris, Boucoiran et Musset y arrangeaient ensemble ses affaires d’argent et celles avec Buloz.
    Voir les lettres inédites de George Sand du 9 mai, des 20 et 27 juin 1834.