Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cela il faudrait le recommencer, et il n’en vaut d’ailleurs pas la peine. La seule pensée que j’y aie cherchée, c’est la confiance dans l’amour présentée comme une belle chose, et la butorderie de l’opinion comme une chose injuste et bête. J’avais, comme vous l’avez très bien aperçu, commencé cette histoire de Saint-Julien dans d’autres vues, et les deux corps se joignaient fort mal. Je l’ai donc retiré pour en faire le commencement d’une historiette toute rustique, et j’ai mis dans la bouche de mon secrétaire intime, dans le courant de son séjour à Monteregale, un récit de sa jeunesse où j’ai taché tracer son humeur d’une manière qui s’harmonise mieux avec la suite. Je ne suis pas de votre avis sur deux choses : d’abord l’amour que Quintilia devait avoir, selon vous, pour lui ; ensuite l’indulgence qu’elle devrait avoir à la fin. Je crois que dans l’un et l’autre cas ce serait altérer le caractère étourdi, mais probe et ferme, que je veux donner à ma princesse. Seulement je profiterai encore de vos objections, qui sont bonnes par elles-mêmes ; je me chargerai, moi conteur, ou bien quelqu’un de mes personnages, d’avouer au lecteur que la Cavalcanti n’est pas sans imprudence et sans tort. C’était bien là mon idée, en la montrant et si sage et si folle. »

On le voit, George Sand était mécontente de son œuvre, et voyait tous ses défauts, mais son roman lui tenait à cœur par la partie de son être qu’elle y avait mise, ce qui nous explique aussi pourquoi Balzac trouvait tant de ressemblance entre Quintilia et Aurore Dudevant[1]. Et le trait personnel et intime que l’auteur avait mis dans ce roman, ce fut justement cette confiance dans l’amour, ce bonheur

  1. Voir la lettre de Balzac à {{Mme|Hanska que nous citons dans le chapitre xiii.