Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traignit aux plus étroites pratiques du bigotisme… Tout en aimant la vertu, tout en adorant le Christ et en dévorant à ses pieds chaque jour bien des larmes amères, la pauvre enfant avait osé, chose inouïe dans ce temps et dans ce pays, se séparer intérieurement du dogme à l’égard de plusieurs points arbitraires. Elle s’était fait, sans beaucoup de réflexions et sans aucune controverse, une religion personnelle pure, sincère, instructive… »

Isolée, ne trouvant d’appui en personne, pas même en sa marraine, la duchesse Gica, aussi faible et aussi capricieuse que la vieille aïeule d’Aurore, tombée en enfance dans ses dernières années (à laquelle cependant, elle ne ressemblait nullement), Mattea, peu à peu, s’adonne aux idées les plus sombres, les plus mélancoliques, et rêve au bonheur de s’éloigner dans le désert, au charme d’une vie solitaire au sein de la nature. On croirait lire des pages de l’Histoire de ma Vie, et l’on est tenté de substituer aux noms de Loredana et de Mattea, les noms de Sophie-Antoinette et d’Aurore. Les lignes où l’auteur de Mattea raconte de quelle manière peu délicate et fort indiscrète le curé de l’héroïne l’avait traitée dans une de ses confessions où elle eut le courage de refuser l’absolution et de renoncer à la confession, ne rappellent pas moins l’incident bien connu du lecteur dans la vie d’Aurore. La soudaine résolution même de Mattea de fuir l’atmosphère insupportable de la maison paternelle et sa lettre naïve à Aboul-Amet, qu’elle connaissait à peine, et à qui elle demandait de la recueillir chez lui, — réveille involontairement chez nous le souvenir de la résolution irréfléchie, subite, d’Aurore d’épouser Casimir Dudevant, — qu’elle ne connaissait pas davantage, — pour l’unique raison de se soustraire à la vie commune avec sa mère. C’est ainsi que dans cette charmante bluette, nous voyons George