Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/209

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mais non ce que tu fais. Je vois le mécanisme de cette belle machine d’idées, mais la valeur et l’usage de ses produits me sont inconnus et indifférents. » Et elle affirme de nouveau que d’une manière ou d’une autre, par droit d’aînesse ou de noblesse, de vertu ou de violence, tout le monde a la prétention d’être placé plus haut que les autres, de dominer, de commnder, d’exciter l’admiration. Et alors les uns ont établi des « … lois dictées par les plus habiles ou les plus forts. Ceux qui ont réussi à faire ces lois dans leur intérêt personnel ont commencé la guerre éternelle entre les hommes de résistance et les hommes d’oppression ; à leur tour, les hommes de résistance ont combattu, et sont devenus oppresseurs par le droit de la force. Dans tout cela, où est la justice ? Levez-vous, hommes choisis, hommes divins, qui avez inventé la vertu ! Vous avez imaginé une félicité moins grossière que celle des hommes sensuels, plus orgueilleuse que celle des braves. Vous avez découvert qu’il y avait, dans l’amour et dans la reconnaissance de vos frères, plus de jouissance que dans toutes les possessions qu’ils se disputaient. Alors, retranchant de votre vie tous les plaisirs qui faisaient ces hommes semblables les uns aux autres, vous avez flétri sagement du nom de vice tout ce qui les rendait heureux, par conséquent avides, jaloux, violents et insociables. Vous avez renoncé à votre part de richesse et de plaisir sur la terre, et vous étant ainsi rendus tels que vous ne pouviez plus exciter ni jalousie ni méfiance, vous vous êtes placés au milieu d’eux comme des divinités bienfaisantes pour les éclairer sur leurs intérêts et pour leur donner des lois utiles. Vous leur avez dit que donner était plus beau que posséder, et là où vous avez commandé, la justice a régné ; quels sophismes pourraient