Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/221

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un jour, ayant à se rendre au tribunal avant d’avoir fini une de ses exhortations, il enferma tout simplement George Sand sous clef, pour qu’elle ne pût sortir, avant d’avoir mûrement réfléchi sur ce qui lui avait été dit et qu’elle se rendît à discrétion. Il est à croire que de pareils arguments effrayèrent un peu Aurore Dudevant, qui était, comme nous le savons, fort peu encline à supporter le despotisme de n’importe qui. Et elle pensa sérieusement à s’évader. Liszt et Mme d’Agoult, ses nouveaux amis, l’invitaient à aller les voir en Suisse ; de là, elle rêva un voyage à Constantinople et en Égypte. La Lettre à Everard finit donc par un aveu mi-sérieux, mi-badin, que le « Voyageur » voudrait de nouveau recommencer ses voyages. Elle prend alors ses dernières dispositions :

« … Si vous proclamez la république pendant mon absence, prenez tout ce qu’il y a chez moi, ne vous gênez pas ; j’ai des terres, donnez-les à ceux qui n’en ont pas ; j’ai un jardin, faites-y paître vos chevaux ; j’ai une maison, faites-en un hospice pour vos blessés ; j’ai du vin, buvez-le ; j’ai du tabac, fumez-le ; j’ai mes œuvres imprimées, bourrez-en vos fusils. Il n’y a dans tout mon patrimoine, que deux choses dont la perte me serait cruelle : le portrait de ma vieille grand’mère, et six pieds carrés de gazon plantés de cyprès et de rosiers. C’est là qu’elle dort avec mon père. Je mets cette tombe et ce tableau sous la protection de la république, et je demande qu’à mon retour, on m’accorde une indemnité des pertes que j’aurais faites, savoir : une pipe, une plume et de l’encre ; moyennant quoi je gagnerai ma vie joyeusement, et passerai le reste de mes jours à écrire que vous avez bien fait… Si je ne reviens pas, voici mon testament. Je lègue mon fils à mes amis, ma fille à leurs femmes et à leurs sœurs ; le tombeau