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d’un croyant, des pages qui sont presque identiques aux dernières œuvres du grand écrivain russe.

La Traduction de l’Évangile par Lamennais et son étude intitulée : De la société première et de ses lois ou de la religion, n’offrent guère moins de ressemblance avec les œuvres de Tolstoï. Mais dans aucun de ses ouvrages, Lamennais ne s’est montré aussi évidemment un adepte du saint-simonisme que dans son Esquisse d’une philosophie[1] et aucun ne semble avoir aussi puissamment contribué à éclairer l’idéal artistique de Liszt et de George Sand. Quoique ce livre ait paru en 1840, ses thèses ont dû germer peu à peu dans son esprit, et l’on conçoit qu’il ait déjà pu les discuter avec Liszt dans la première moitié des années 1830.

Voici les principales de ces thèses : Le monde est la manifestation finale de l’infiniment Beau. L’infiniment Beau est la forme ou l’incarnation de l’infiniment Vrai. Dans la nature inanimée, on ne remarque qu’une simple affinité entre les objets. Dans le règne animal se fait déjà remarquer un autre degré, l’instinct. L’homme, quoique conduit dans sa vie première par l’instinct, est déjà dirigé principalement par la raison, la conscience, qui lui donne la première notion du vrai, ou du moins la lui fait pressentir. D’abord, l’homme, comme les animaux, ne reçoit que les impressions extérieures que lui donnent les sens ; ensuite, étudiant les phénomènes du monde extérieur, il passe peu à peu de

    dit dans le Figaro sur le service militaire) ; tels aussi les chapitres xxxv, xxxvi, xxxvii. Mais en général, ce livre, qui a fait autrefois tant de bruit — cette improvisation sombre, parfois vraiment dantesque ou prophétique, pleine de pages toutes poétiques, de paraphrases de psaumes, d’invocations républicaines — est aujourd’hui vieilli et n’attire plus guère l’attention que par son style et la force de son inspiration. Tous les lettrés en connaissent presque par cœur le célèbre chapitre xiii, ainsi que les chapitres xx et xxxvi, qui certes, n’entreront cependant jamais dans un recueil de « pages choisies » !

  1. Esquisse d’une Philosophie ; Paris, Pagnerre, 1840 (4 volumes).