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Comme nous l’avons vu, Liszt trouva en Lamennais un homme qui le comprenait, le soutenait et sympathisait avec ses idées, ses tendances et ses convictions les plus intimes. La foi ardente et profonde de cet ancien champion du catholicisme et du régime monarchique, devenu leur ennemi acharné, — religiosité trop vaste et trop profonde pour se laisser enserrer dans le cadre de n’importe quelle religion dogmatique ; la défense hardie de ses convictions allant jusqu’au sacrifice et à l’oubli de soi-même ; la lutte contre les institutions qu’il croyait nuisibles ; son incorruptibilité à toute épreuve ; la chaleur avec laquelle il accueillait les idées démocratiques ; ses tendances vraiment chrétiennes ; ses exigences rigides envers l’art et les artistes au nom de ces mêmes tendances ; sa sombre éloquence enflammée — tout cela charma Liszt et le subjugua. D’un autre côté, la similitude de leurs convictions et de leurs tendances rapprocha bientôt le jeune pianiste du vieil abbé, et leurs rapports prirent rapidement la forme d’une piété filiale et d’une tendresse toute paternelle. Grâce à Lamennais, les idées artistiques, sociales et religieuses de Liszt se fixèrent définitivement et prirent cette direction idéale et chrétienne qui dès lors ne varia plus chez l’artiste. C’est aussi Lamennais qui contribua à affranchir les croyances de Liszt d’une soumission trop absolue aux dogmes de la hiérarchie ecclésiastique. « Il fut le premier, — dit Lina Ramann, — à expliquer à Liszt l’immense différence qu’il y a entre la religion et l’Église. L’artiste comprit alors que les deux institutions sont deux conceptions différentes, pouvant en pratique être diamétralement opposées, quoique se touchant de près, comme le fond et la forme. Cette compréhension devint encore plus claire chez Liszt quand il vit que Lamennais, ce catholique croyant et fervent,