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une pièce pour piano Lyon, qui avait pour épigraphe le mot d’ordre des socialistes de l’époque :

    Vivre en travaillant,
    Mourir en combattant

Cette pièce était dédiée à M. F. de L. c’est-à-dire Monsieur Félicité de Lamennais ; c’était la consécration de leur union amicale sur le terrain des sympathies sociales.

On voit par tout ce que nous venons de dire que ce fut vers 1835 ou à peu près, que finit pour Liszt la période préliminaire, la période de fermentation, de luttes. Il commença dès lors d’une manière toute consciente son sacerdoce artistique et voulut mener une vie répondant aux exigences et aux devoirs que son art lui imposait. Mais, presque au moment où il prenait ses bonnes résolutions, une passion qui devint pour lui une difficulté, une entrave, vint fondre sur sa vie, et l’empêcha de suivre en paix la voie dans laquelle il était entré. Cette passion éclata sous la figure de la svelte comtesse Marie d’Agoult, née de Flavigny, une apparition diaphane, éthérée, une vraie déesse. C’était une femme aux cheveux d’or, aux yeux bleus, idéalement belle, douée d’un grand esprit, instruite, ravissante sous tous les rapports : la Diane des salons de Paris. L’adorable comtesse était moitié Allemande, moitié Française, sa mère étant la fille d’un banquier de Francfort, Bethmann, et son père le fils d’un émigré français. Elle avait reçu une éducation et une instruction excellentes, avait beaucoup de lecture et parlait plusieurs langues. Elle avait épousé sans amour un représentant de l’ancien régime, le comte d’Agoult, homme de bonnes manières, de tous points correct et honorable, dans la société duquel elle s’ennuyait