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au plaidoyer de la partie adverse et montrant tout le danger qu’il y aurait pour la justice d’admettre M. Dudevant à faire une contre-enquête six mois après l’enquête, Michel de Bourges aborda ensuite la question du fond de l’affaire. Cette partie de son plaidoyer conquit aussitôt toute la salle. Il fit devant les juges toute la biographie d’Aurore Dudevant et exposa brièvement tout ce que nos lecteurs savent déjà. Il raconta son mariage, l’histoire du contrat de mariage et des affaires d’argent. Il dit comment les discordes surgirent dans le ménage, attira l’attention sur l’isolement intellectuel d’Aurore et sa longue patience, mit sous les yeux des juges des traits de la brutalité de Dudevant, de son ivrognerie, de ses infidélités. Il raconta comment, dès 1831, Aurore, au su et du consentement de son mari, avait mené une vie tout à fait indépendante, tandis que lui, Dudevant, jouissant de ses revenus à elle et vivant dans la maison de sa femme, ne trouvait à cela rien de répréhensible pour lui, comme aussi il ne trouvait rien à redire contre la liberté dont usait sa femme, et n’avait jamais exprimé le désir de la voir réintégrer le domicile conjugal. Michel exposa enfin les faits qui s’étaient passés en 1834 et 1835. En ce qui concernait les traités, il démontra à l’évidence que l’on ne pouvait se fier à Dudevant, ni s’attendre à voir la vie d’Aurore garantie contre de nouvelles violences ; en conséquence il demanda au tribunal de rendre un jugement conforme au verdict du 16 février, c’est-à-dire de prononcer la séparation. À la fin de son plaidoyer, Michel s’était longuement arrêté sur la requête du 14 avril. Il rendit justice à son confrère, l’avocat de Dudevant, d’avoir su s’abstenir de lire l’acte contenant de tels « faits diffamatoires » et où il se trouvait, entre toutes, une accusation « qu’on eût pu se dispenser d’emprunter au célèbre