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procès de 1793 et que d’un mot une mère outragée repoussa victorieusement[1] ».

« Vous voulez, » continua Michel, « faire disparaître l’enquête, vous y cherchez des nullités de forme, sachant bien que le choix des témoins, leur moralité, l’esprit de conciliation qui les a toujours animés, ne vous permettent pas au fond d’en retrancher un mot ; vous gardez le silence sur ces traités, vous voulez nier les torts que l’enquête a mis au jour. Eh bien, supposons qu’il tombe d’en haut une larme céleste qui les efface tous ; déchirons la procédure, ne conservons que l’acte du 14 avril ! Il n’est pas un juge sur la terre qui, après en avoir pris lecture, puisse condamner votre femme à vivre avec vous, car vous ne concluez pas à la séparation, vous voulez au contraire que sa demande ne soit pas fondée, — cependant vous ne pouvez pas admettre qu’elle soit forcée à rentrer chez vous sous le poids d’une pareille haine ? Est-ce que vous voulez vous donner le plaisir de faire afficher sous ses yeux, dans sa propre maison, votre requête, ce monument de vengeance, que vous avez élevé contre elle ? Si elle rentre sous le toit que vous habitez, pouvez-vous, après ce que vous avez fait, la traiter avec égard ? Non, vous ne le pouvez pas ! L’outrage que vous lui avez fait est d’ailleurs ineffaçable. Cet outrage prouve que vous ne le voulez pas. Vous ne demandez donc pas votre femme. Mais cependant vous vous opposez à la séparation ! Vous voulez donc tous les avantages, tous les bénéfices du mariage sans en supporter les charges, sans en accomplir les devoirs ?… Je touche au terme de ma carrière, carrière pénible, difficile, dont le dévouement à l’amitié et au génie n’a pu aplanir les aspé-

  1. Allusion à un célèbre détail du procès de Marie-Antoinette.