Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/357

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trille lointain voltiger sur les sentiers inaccessibles dont le ravin vous sépare, vous trouvez dans l’adieu moqueur du bandit quelque chose d’étrangement triste, car un douanier va peut-être sortir des buissons et braquer son fusil sur votre épaule ; et peut-être en même temps le hardi chanteur va-t-il rouler et achever sa coplita dans l’abîme… »

Ce que Liszt admirait surtout dans cette chanson, c’était évidemment ce cachet, tout espagnol, de farouche mépris de la vie, d’audacieuse bravoure qui l’attiraient toujours, fût-ce dans les chants des bohémiens de sa patrie ou dans les œuvres des poètes. Qu’on se souvienne seulement de sa romance si connue : Les trois bohémiens, sur les vers de Lenau. C’est cette même bravoure qui charma aussi George Sand, et elle assure que « Garcia conserva toujours une prédilection paternelle pour sa chanson du Contrebandier. Il prétendait, dans ses jours de verve poétique, que le mouvement, le caractère et le sens de cette perle musicale étaient le résumé de la vie d’artiste, de laquelle, à son dire, la vie de contrebandier est l’idéal. Le aye, jaleo, ce aye intraduisible qui embrase les narines des chevaux et fait hurler les chiens à la chasse, semblait à Garcia plus énergique, plus profond et plus propre à enterrer le chagrin, que toutes les maximes de la philosophie. Il disait sans cesse qu’il voulait pour toute épitaphe sur sa tombe : Jo que soy el Contrabandista, tant Othello et don Juan s’étaient identifiés avec le personnage imaginaire du Contrebandier… »

Mme Lina Ramann, qui raconte brièvement l’histoire de la création du Contrabandista musical et du Contrebandier littéraire, dit : « Il est étonnant que George Sand, pour sa part, n’ait jamais inspiré Liszt » (c’est-à-dire qu’il n’a jamais rien composé sur aucune de ses œuvres), « malgré le profond sens musical de George Sand ».