Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/36

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d’une fête de famille. L’enfant brûlait d’impatience de mettre ces charmants souliers et ne pouvait rester en place pendant que sa mère lui peignait ses boucles. Enfin il s’écria presque en larmes : « Dépêchez-vous, maman, mes souliers neufs vont devenir vieux. » Et le frère-biographe fait justement remarquer : « On ne fit que rire de cette vivacité ; mais c’était le premier signe d’une impatience de jouir et d’une disposition à dévorer le temps qui ne se sont jamais calmées ni démenties un seul jour. » Paul de Musset rapporte dans ses premières pages (les plus précieuses à coup sûr de son livre) et dans ses derniers chapitres quelques faits analogues de la jeunesse et des années de maturité de Musset, qui nous montrent combien son âme était passionnée, impatiente, d’une sensibilité intense et presque maladive. Il ne pouvait voir souffrir ; toujours il était prêt à faire tout ce qu’il pouvait pour les hommes et les animaux, afin de se débarrasser lui-même du sentiment, pour lui insupportable, de la compassion dans le sens littéral du mot, c’est-à-dire de sa souffrance avec les autres, sentiment maladif, qui allait jusqu’à lui faire perdre le repos et le sommeil. Et, en même temps, dans les moments d’irritation et d’emportement il était capable d’offenser cruellement une personne aimée ; par colère ou chagrin il perdait aussi facilement la tête que dans la joie ou le bonheur. Il n’avait ni fermeté, ni persévérance ; il n’a jamais pu se maîtriser. Il ne savait pas aimer à moitié, vouloir avec calme, attendre raisonnablement l’accomplissement de ses désirs. Il disait de lui-même : « Je ne suis pas tendre, je suis excessif. » Il était individualiste dans le meilleur et le pire sens du mot. Son frère écrit : « C’était en toutes choses l’homme le plus indépendant, tout entier à ses impressions et gouverné par sa fantaisie. Perpétuel-