Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/372

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« Piffoël, pourquoi diable ne veux-tu pas baisser ta tête quand l’orage passe ? Pourquoi tes larmes sont-elles si âcres, et pourquoi faut-il que tu te brises sans avoir plié ? Tu veux, comme l’héliotrope, te tourner vers ton maître et le saluer volontairement dans sa gloire, mais si ton maître se voile et t’envoie la foudre, tu te dessèches et te romps, car tu ne veux pas fléchir… »

« 5 juin.

« Temps magnifique, beaucoup d’air, bruit mystérieux et mouvement plein de grâce sur les feuilles des tilleuls. On dirait les allures fières et gracieuses d’Arabella. Réveil stupide… Et ce maudit piano qui ne se réveille pas ! Que faire de moi-même ce matin ?… Dieu soit loué ! mon ami m’a entendu. Voici les premières mélodies de l’andante de la symphonie pastorale de Beethoven. Vraie musique d’été, Hoffmann a laissé, dans ses paperasses inédites, ses titres des chapitres de la fin de Kreyssler. Il y en a deux qui m’ont toujours singulièrement frappé : Son du Nord, Son du Midi. Je m’attache à pénétrer le sens de cette distinction de poésie musicale. Je la cherche dans la nature, dans les mélodies primitives que je combine ensuite avec des effets connus en musique et je suis sur la voie de trouver une définition claire et satisfaisante de ces dénominations mystérieuses. La pensée générale de Kreyssler à cet égard est intelligible au premier venu, mais il s’agit d’en faire une application sûre, de ne pas se perdre dans des aperçus purement poétiques et dans une interprétation vague comme l’est souvent le style d’Hoffmann lui-même, mais comme à coup sûr ne l’était pas sa pensée. Jamais esprit d’homme n’a pénétré plus franchement et plus nettement dans le monde des rêves, nul n’a marché avec plus de logique, de sens et de raison à travers les fantaisies de l’induction poétique, nul n’a moins