Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/430

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fère l’amitié de Jacques et la met au-dessus de l’amour. Dans cette amitié calme et fraternelle, elle trouve l’égal de son esprit, un soutien précieux, une pleine entente ; elle trouve ce que ni elle ni Jacques ne trouveront jamais dans l’amour, ce que George Sand elle-même n’avait jamais trouvé chez ses amants, ce qu’elle n’a rencontré que chez François Rollinat et chez deux ou trois de ses amis qui, depuis leur jeunesse et jusqu’à leurs derniers jours, sans être comme Rollinat, ses alter ego, savaient pourtant la comprendre, l’apprécier, partager ses idées et lui être fidèles dans la joie comme dans le malheur.

Nous avons vu quelques écrivains russes, ainsi que des auteurs étrangers, blâmer George Sand d’avoir créé des types comme Lélia et Jacques. Qu’est-ce donc que ces héros imaginaires, que personne n’a jamais rencontrés sur la terre, impossibles dans la vie réelle, disent-ils ! Ce sont des êtres divins, des inutilités, rien qu’à cause de leur irréalité. Cependant, à nos yeux, l’exceptionnel n’est pas l’impossible, et nous nous demandons pourquoi il nous faudrait croire qu’il n’y a pas, qu’il ne peut y avoir des hommes « meilleurs », aristocrates du cœur et de l’esprit ? Faudrait-il vraiment désirer qu’il n’y eût point d’hommes extraordinaires ? Nous sommes, au contraire, persuadés que si cela arrivait, l’humanité entière s’arrêterait dans son développement, dans son progrès qui n’avance que grâce à des Jacques, des Sylvia, des George Sand, tous exceptionnels, tous extraordinaires. S’il n’existait que des hommes « ordinaires », si tous étaient des Octaves, aimant simplement de bonnes âmes comme Fernande, ne tourmentant personne, ne connaissant pas l’ennui, contents de tout, ne se sentant point isolés au-dessus des autres, comme se sentait Jacques, ne méprisant point le monde avec ses