Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/434

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ami de la famille, vrai représentant du tiers état, maître Parquet. Sur ces entrefaites, l’ancien seigneur revient dans son domaine qu’il rachète à ses propriétaires actuels, paysans cupides qui s’en étaient emparés au moment où les terres seigneuriales étaient devenues propriétés nationales. C’est un certain comte de Fougères, un émigré revenu dans sa patrie après un séjour en Autriche, où, pour gagner son pain quotidien (lisez : par suite de son esprit de lucre et la bassesse de ses sentiments), il s’occupait, comme un parfait épicier, à vendre des chandelles, de la cannelle, du poivre et du suif, et où il s’était appelé de l’humble nom « de signor Spazetta », qui lui allait certes mieux que le grand nom de ses ancêtres. Il ramène avec lui dans son château sa fille Fiamma.

Nous ne nous intéressons pas à la fable du roman, et il n’y en a presque pas d’ailleurs, car tout le roman peut se résumer en quelques mots. Simon, l’ennemi implacable des aristocrates, malgré le mépris et l’indignation du comte de Fougères, et surtout malgré la protestation de sa propre conscience républicaine et de son orgueil plébéien, ne tombe pas seulement sous le charme de la noble Fiamma, mais finalement il l’épouse. Il va sans dire que l’auteur fait couver dans l’âme de sa fière et intrépide amazone les sympathies et les sentiments les plus républicains, et que pour la parfaite glorification du peuple et le plus grand abaissement des vils aristocrates (du moins des aristocrates français qui n’avaient pas été élevés dans les traditionnelles vertus républicaines, comme les nobles vénitiens), il dévoile finalement aux lecteurs le crime du comte de Fougères qui doit assurer à Fiamma toutes leurs sympathies, aussi bien que l’adoration de Simon, et révèle en même temps la source et la raison du caractère aristocra-