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l’abbé Georges. Aussi, avec quelle délicatesse admirable, quelle constance ne tâche-t-elle pas dans toutes ses lettres de détourner l’abbé d’une résolution irréparable et de lui faire croire en même temps que la vie peut être supportable, heureuse. Elle lui conseille de ne point abandonner ses occupations littéraires, d’écrire, ne fut-ce que pour lui-même, car « le travail nous sauve de bien des choses » (elle en parle en connaissance de cause !).

Elle lit toujours volontiers les œuvres de l’abbé, lui donne des conseils, fait même, à ce qu’il semblerait du moins, des démarches pour que l’une de ses productions soit imprimée, mais elle ne se permet jamais de mentir, même pour être charitable, de donner trop d’espérance à l’auteur, de l’encenser outre mesure. Elle lui conseille même franchement de renoncer à faire des vers, car il ne s’en produit déjà que trop ; elle lui dit carrément que les siens n’ont pas assez d’originalité et de spontanéité, qu’ils n’ajouteraient rien à « l’œuvre de sa vie ». Cette correspondance nous montre George Sand sous un point de vue tout nouveau et extraordinairement sympathique.

Nous y voyons cette révoltée, cette amante insatiable de la liberté, qui était « toujours prête à tout risquer, à tout propos », comme elle le dit dans ce fragment curieux de la première version de Elle et lui qui n’eut pas de suite, nous la voyons sauver et préserver un autre d’un risque trop grand, d’un pas imprudent. L’abbé Rochet resta prêtre, il poursuivit jusqu’à la fin de ses jours sa correspondance avec George Sand, et il lui fut certainement toujours reconnaissant de la sympathie et du secours amical qu’il avait trouvé chez elle.

En 1838, comme nous venons de le dire, il vint, selon toute apparence à Nohant et devint l’ami intime de toute la