Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/49

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dans ses intéressants Souvenirs[1], a exprimé la pensée que, seules les sensations ont dû les rapprocher, c’est-à-dire, selon lui, que cet amour fut purement un amour sensuel. Il n’en est réellement pas ainsi. Pour nous, il est indubitable que le plus grand attrait qu’aient éprouvé George Sand et Musset à l’égard l’un de l’autre, ce fut, comme nous l’avons déjà dit, que tous deux avaient mutuellement compris et pénétré la poésie de leur âme, ce qui n’empêchait nullement ces deux natures d’être diamétralement opposées, et c’est pour cela qu’il leur arriva ce qui arrive presque toujours : l’amour, à peine triomphant, devint un tourment mutuel, une source de souffrances, et les deux amants tendirent irrésistiblement à s’éloigner l’un de l’autre.

Les deux poètes se connurent de la manière la plus prosaïque. Sainte-Beuve, l’ami et le confident de George Sand, non seulement en littérature, mais aussi en affaires personnelles, lui proposa au printemps de 1833 de faire la connaissance de Musset. George Sand consentit d’abord, puis y renonça, et écrivit à Sainte-Beuve[2] : « À propos, réflexion faite, je ne veux pas que vous m’ameniez Alfred de Musset. Il est très dandy, nous ne nous conviendrions pas, et j’avais plus de curiosité que d’intérêt à le voir. Je pense qu’il est imprudent de satisfaire toutes ses curiosités, et meilleur d’obéir à ses sympathies. À la place de celui-là, je veux donc vous prier de m’amener Dumas en l’art de qui j’ai trouvé

  1. Maxime Ducamp. Souvenirs littéraires. Revue des Deux-Mondes, 1881.
  2. Note de 1895. La lettre a paru pour la première fois dans les Portraits contemporains de Sainte-Beuve. Mme  Arvède Barine en a reproduit une partie. L’original, daté du 11 mars 1833, est entre les mains de M. de Spoelberch. Note de 1898. La lettre fait aujourd’hui partie de la collection des lettres de George Sand à Sainte-Beuve, éditées par Lévy.