Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/67

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poétiques de leur caractère et de leur âme, par lesquelles ils se ressemblaient, avec le temps ils commencèrent à se convaincre que leurs habitudes, leur genre de vie étaient tout différents et ne pouvaient point s’accorder. On peut s’étonner qu’ils ne s’en soient pas aperçus plus tôt. Voici ce que nous dit de Musset l’un de ses amis mondains, le comte d’Alton-Shee : « Avec les hommes, il parlait peu et riait volontiers de l’esprit des autres. Aux femmes il réservait toutes les grâces et tous les charmes de sa coquetterie ; près d’elles il était gai, amusant, éloquent, moqueur, dessinant une caricature, composant un sonnet, écoutant la musique avec délices, jouant des charades improvisées, ayant comme elles l’horreur de la politique et des sujets sérieux. » George Sand, tout au contraire, ne pouvait souffrir la causerie pour la causerie même, elle avouait volontiers qu’elle préférait la conversation des hommes à celle des femmes, celles-ci la fatiguant par leur vain bavardage et leurs coq-à-l’âne. Elle aimait à causer et à jouer avec des enfants, elle s’entendait à les faire rire en riant elle-même, mais elle manquait complètement d’esprit dans les conversations de salon. Quand on causait devant elle de choses qui lui étaient peu connues ou qui n’avaient pour elle aucun intérêt, elle se taisait. Mais aussitôt qu’il était question de quelque chose qui lui tenait au cœur, elle prenait une vive part à la conversation, discutait, exigeait qu’on lui prouvât ce qui l’avait frappée ou l’avait touchée au vif. Nous avons déjà cité le passage de la cinquième partie (vol. IV, p. 149) de l’Histoire de ma Vie où elle nous dit quelles questions religieuses, politiques et sociales l’avaient remuée si profondément à la veille d’écrire Lélia : « Mais il est une