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même que mes affaires d’argent me forcent de faire toujours sortir quelque chose de mon cerveau sans me donner le temps d’y faire rien rentrer. J’aspire à avoir une année tout entière de solitude et de liberté complète, afin de m’entasser dans la tête tous les chefs-d’œuvre étrangers que je connais peu ou point. Je m’en promets un grand plaisir et j’envie ceux qui peuvent s’en donner à discrétion. Mais, moi quand j’ai barbouillé du papier à la tâche, je n’ai plus de faculté que pour aller prendre du café et fumer des cigarettes sur la place Saint-Marc, en écorchant l’italien avec mes amis de Venise. C’est encore très agréable, non pas mon italien, mais le tabac, les amis et la place Saint-Marc. Je voudrais t’y transporter d’un coup de baguette et jouir de ton étonnement[1]… »

Mais nous anticipons un peu sur les événements. À la fin de janvier George Sand était de nouveau tombée malade et avait dû rester quelques jours au lit. Elle écrit à Boucoiran, le 4 février, à la suite des questions d’affaires dont il a été parlé plus haut : « Je viens encore d’être malade cinq jours d’une dysenterie affreuse. Mon compagnon de voyage est très malade aussi. Nous ne nous en vantons pas parce que nous avons à Paris une foule d’ennemis qui se réjouiraient en disant : « Ils ont été en Italie pour s’amuser et ils ont le choléra ! quel plaisir pour nous ! ils sont malades ! » Ensuite Mme de Musset serait au désespoir si elle apprenait la maladie de son fils, ainsi n’en soufflez mot. Il n’est pas dans un état inquiétant, mais il est fort triste de voir languir et souffroter une personne qu’on aime et qui est ordinairement si bonne et si gaie. J’ai donc le cœur aussi barbouillé que l’estomac. Par-dessus le marché M. Buloz

  1. Correspondance de George Sand, t. I, p. 262.