Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/82

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d’une manière « plus décisive encore ; il ne lui suffit plus de laisser au lecteur le choix de croire si son infidélité envers Musset était un mensonge ou non, elle voulait affirmer cela et empêcher le lecteur d’admettre qu’il en fût autrement. Dans Elle et Lui, elle déclare catégoriquement que Musset, dans le délire de la fièvre, s’était mis dans la tête qu’elle le trompait. »

Lindau ajoute, après avoir cité les paroles du délire de Laurent dans Elle et Lui : « Elle seule a le droit de me tuer, disait-il, je lui ai fait tant de mal. Elle me hait, qu’elle se venge. Ne la vois-je pas à toute heure sur le pied de mon lit, dans les bras de son nouvel amant ? Allons, Thérèse, venez donc, j’ai soif, versez-moi le poison… » — C’est là le tableau du moment décisif — dit Lindau, qui a le plus révolté les amis de Musset et qui les a obligés à répondre à George Sand. Si elle eût le moindre soupçon que Paul de Musset fût en possession de la communication de cette scène, dictée par Alfred à son frère, elle se serait certainement tue là-dessus. Elle eût renoncé à se défendre de l’accusation d’avoir au moins contribué, en partie, au triste sort de Musset, et cela d’autant plus que la plupart, toujours enclins à justifier une jolie femme, se seraient déclarés contre le poète ; elle n’eût pas provoqué cette riposte foudroyante (niederschmetternde) qui allait sortir de la plume de Paul de Musset. Celui-ci entra effectivement en scène et mit à nu toute l’horrible vérité. Quelques semaines avant sa mort, Alfred dicta à son frère un compte rendu détaillé de cette scène, communication si pleine et si exacte que toute tentative d’ébranler cette exactitude devait d’avance échouer, elle était si persuasive que ni George Sand, ni ses amis n’osèrent jamais essayer de le faire. Cette communication faite par Alfred de Musset, son frère