Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/84

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de toutes les œuvres littéraires se rapportant à ce sujet. Nous nous contenterons, pour le moment, d’examiner le côté psychologique de cette affirmation de Lindau.

Nous n’oserions jamais prendre sur nous de démentir le fait, ni (comme le font Lindau et d’autres biographes de Musset), d’affirmer qu’il ait eu lieu et qu’il se soit ainsi passé. Il nous semble que trois personnes seules seraient ici en droit d’affirmer ou de nier : Musset, George Sand ou Pagello. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que pareil fait n’a pu avoir lieu, non parce que George Sand n’aurait pu devenir infidèle à Musset dans le sens grossier du mot ; nous savons parfaitement, que Pagello fut, plus tard, l’heureux rival de Musset, mais nous sommes aussi intimement convaincus, qu’une scène si basse, si impudente, si sotte n’a pu avoir lieu dans la chambre d’un moribond. Comme Niecks, biographe de Chopin, le fait judicieusement remarquer, « Paul de Musset ne peut être absous du reproche d’exagération — nous savons de quel nom Arvède Barine appelle cette « exagération » de Paul de Musset — et que, s’il fallait choisir entre les deux versions, celle de George Sand, appelant délire la scène des ombres, est certainement plus digne de foi que celle de Paul de Musset, qui l’appelle vérité ». Mais ce qui nous porte le plus à ne pas croire à cette scène, c’est que Musset, le Musset qui a écrit la Confession d’un enfant du siècle, les Nuits, la Quenouille de Barberine, Il ne faut jurer de rien, n’a jamais pu dire rien de semblable à qui que ce fût, pas même à son frère, pas même à lui-même, en écrivant son journal. Comment ? Ce gentilhomme, ce grand seigneur, cette nature délicate, cette âme si finement sensitive, aurait pu raconter, ne fût-ce qu’en allusion, pareille ignominie, pareille dépravation, pareille chute de la femme