Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/99

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vaincre sur quoi que ce fût, elle devenait alors entraînante, extraordinairement éloquente, et savait trouver un langage auquel on ne pouvait résister. Et Musset, et Chopin, à qui elle ne plut pas d’abord, tombèrent tous deux sous le charme de leurs entretiens avec elle. Mme de Musset se refusait à laisser partir son fils pour l’Italie, et il s’était déjà presque soumis à la décision de sa mère, quand, un beau soir, on annonça qu’une dame, arrivée en voiture, la priait de vouloir bien descendre pour causer un instant avec elle. Mme de Musset descendit, accompagnée d’un laquais. La dame inconnue — le lecteur a deviné qui c’était — demanda à Mme de Musset de permettre à son fils de partir pour l’Italie, lui promettant de le soigner comme son propre fils. Mme de Musset ne put résister à cette éloquence qui avait trouvé le chemin de son cœur, et Musset partit pour l’Italie[1]. Il en fut de même avec le père de Pagello. Celui-ci, homme d’esprit et très instruit, — (qui demeurait à Castelfranco, dans la province de Treviso) — avait donc écrit à son fils une lettre de vifs reproches. « Alors, dit Pagello, ayant toujours détesté le mensonge, je partis de Venise avec George Sand, pour aller chez mon père. Il me reçut sèchement, mais il accueillit George Sand avec l’hospitalité la plus courtoise (cortese ospitalita) ; et, après avoir causé et discuté littérature française avec elle, il fut tellement subjugué par son éloquence poétique, qu’il pensa évidemment : « Ce déserteur du foyer paternel n’a pas si grand tort ! » Nous passâmes une heure avec lui, et nous nous rendîmes, par Bassano, à la grotte de Parolini… »

Voilà comment George Sand savait, par son éloquence

  1. Paul de Musset. Biographie d’Alfred de Musset, p. 125-126.