Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Depuis que je vous ai écrit, j’ai entendu Mickiewicz (sans pourtant lui dire bonjour encore, nous continuons de nous chercher), je l’ai entendu à distance et j’ai été très satisfait. Il y a de l’éloquence sous ses empêchements mêmes, et l’accent profond marque mieux sous les efforts. Mme Sand y est très assidue, et l’autre jour, on l’y a applaudie…

On voit que cette disciple enthousiaste était très remarquée dans l’auditoire et excitait l’attention générale. Comme nous l’avons déjà dit plus haut, le point de départ même de Mickiewicz, sa prédication de la divine mission de la Pologne et des Slaves en général, répondaient entièrement aux croyances de George Sand. Elle s’empressa donc avant tout de se procurer le texte même des leçons de Mickiewicz, pour le publier dans la Revue indépendante. Pour cela elle s’adressa à l’ami, adepte et traducteur français de Mickiewicz, le slaviste et orientaliste Alexandre Chodzko[1].

Mme Sand était déjà alors en relations amicales avec Chodzko ; elle s’était intéressée à son livre anglais sur le poème persan de Kourroglou[2], elle inséra dans cette même Revue indépendante quelques pages flatteuses sur l’auteur de cette étude, suivies

  1. Tous les Chodzko se distinguèrent plus ou moins dans les lettres. Ignace Ch. (né en 1794, mort en 1861) publia plusieurs nouvelles et contes de mœurs lithuaniennes (cf. Spasowicz, Littérature polonaise, p. 742) ; Léonard Ch. (v. Mélanges posthumes d’Adam Mickiewicz, 2e  série : Au lecteur bénévole, p. x-xv) fut le premier biographe de Mickiewicz, ayant publié un article sur lui dans la Biographie universelle et portative des contemporains, éditée par Alf. Rabbe. Enfin Alexandre Chodzko, ami de Mickiewicz et de Chopin, né en 1804 dans le gouvernement de Minsk, fit ses études à l’Université de Vilna, témoigna dès cette époque d’un vif intérêt pour la poésie populaire, puis, entré à l’Institut des langues orientales à Saint-Pétersbourg, il débuta dans les lettres par un poème dans le goût oriental, Dérar. En 1829 il publia à Saint-Pétersbourg un recueil de ballades, de légendes, de chansons néo-grecques, de traductions de Pouchkine et de Byron. En 1830 il fit un voyage en Perse et y étudia la poésie persane. Après 1831, il se fixa à Paris, publia en français et en anglais beaucoup d’études sur la poésie orientale et les œuvres de la littérature populaire slave, sur les chants des Lithuaniens, Tchèques, Petits-Russiens, Latyches, etc.; il fut un des orientalistes les plus célèbres, occupa la chaire des langues orientales au Collège de France, après Mickiewicz et Cyprien Robert. Il mourut en 1891.
  2. Alexander Chodzko, Specimens of the popular poetry of Persia as found in the adventures and improvisations of Kurroglu the bandit minstrel of Northern Persia. Un vol. grand in-8°, 1842.