Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/678

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faitement libre de le prendre, et quand même j’y tiendrais, je vous le céderais avec plaisir.

Agréez, etc.

G. Sand.

Nohant, 30 janvier 1863.

Le Meunier d’Angibault commença à paraître le 21 janvier 1845, et le pauvre misanthrope de Latouche qui venait de perdre sa femme et s’était cloîtré, seul avec son grand chagrin, dans son solitaire logis, écrit à George Sand que « sans se raser, sans quitter ses pantoufles, ne descendant pas son escalier depuis trois semaines », il a quand même « le Meunier pour compagnon ».

… Il est la première visite que je reçois chaque matin, et je suis d’assez mauvaise humeur, quand sa place est prise par les théâtres et les revues scientifiques. Ce cher Grand-Louis, je l’aime comme un compatriote et un bon enfant ! Je lui passe de tout mon cœur la licence prosaïque de mettre la Vallée Noire à la place de la Forêt Noire, mais je voudrais que l’auteur se montrât un peu plus averti de la liberté grande et dît dans la phrase qui suit la chanson : « Mais Grand-Louis, qui se moquait de la prosodie comme des voleurs et des revenants, etc. » Ayez dans l’édition in-8° cette condescendance pour les rimeurs. Adrienne m’est venue sur papier à sucre ; de Potter n’est plus que l’avant-dernier des éditeurs ! Je n’ai pas osé vous envoyer ce volume de pacotille. Cependant, depuis que Mme Duvernet l’a reçu et paraît heureuse de quelques lignes de dédicace où votre nom est placé, je veux prendre à deux mains mon courage et demander un exemplaire à M. Boulé. Du reste, le volume, serin par la couverture, et bis à l’intérieur, comme le pain de marsèche, n’est pas encore en circulation[1]. Écrivez-moi que vous et vos trois enfants[2] allez bien…

George Sand se fit un plaisir de suivre exactement toutes les indications de son vieux mentor, et dans toutes les éditions ultérieures du Meunier, Grand-Louis, « lorsqu’il descend de l’abat-foin », n’est plus ni dégingandé, ni osseux, mais bien un

  1. La dédicace d’Adrienne, roman de de Latouche, paru en février 1845. est ainsi libellée : À ma cousine Ursule, et on y trouve effectivement quelques lignes enthousiastes sur George Sand, dont le talent, selon l’auteur, « se tiendra debout bien plus longtemps que tous les monuments du Berry ».
  2. Maurice, Solange et Chopin.