Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/687

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excitant les bêtes, conscient de l’importance de ce travail, et enfin ses huit bêtes, jeunes encore, impatientes, fâchées contre chaque empêchement… Et ce fut assez !

Du désir de peindre la beauté de cette vie simple et les sentiments des simples hommes de campagne, tels qu’ils sont ; de la pitié ardente pour ceux qui travaillent, éveillée par ses réflexions sur la gravure de Holbein, pitié pour tous ces laboureurs inconnus qui nous nourrissent, qui ne connaissent durant toute leur vie que « travail et usaige » et n’en sont libérés que par la Mort, enfin des impressions d’une douce soirée dans les champs et de la figure de ce « fin laboureur », faisant silencieusement l’œuvre de la vie, naquit ce charmant petit conte, — la Mare au Diable. Ce n’est pas en vain que son prologue est considéré comme une perle dans la couronne de George Sand. Les adeptes les plus acharnés du naturalisme admirèrent ce morceau d’une admiration sans bornes ; Pierre Leroux et de Latouche furent tous les deux enchantés et par la pureté de la forme, et par la profondeur des pensées. Quant à nous, nous croyons que c’est un des joyaux de la littérature universelle. Si les réflexions attristées sur le sort de ceux qui peinent, éveillées par le quatrain en vieux français, ont arrêté l’attention des contemporains de George Sand, elles doivent nous frapper bien plus encore, parce qu’on peut y voir comme le prototype des « quatre attelages » de Tolstoï. George Sand dit que l’existence humaine idéale serait celle où l’homme exercerait tour à tour et journellement, la force de ses bras, sa force physique, en travaillant à la sueur de son visage ; en développant ses dons spirituels, la force de son intelligence, en acquérant des connaissances et la possibilité de réfléchir sur ce qui l’entoure et sur la beauté de la nature, enfin en ne permettant pas à son cœur de s’étioler. De là, le travail physique, intellectuel et la fréquentation de ses semblables, comme conditions indispensables de bonheur et d’une existence vraiment humaine.

À la vue du jeune laboureur et de son enfant, l’auteur s’était demandé « pourquoi son histoire ne serait pas écrite, quoique