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LES WILLIS.

pour écouter. C’était toujours la valse qu’on chantait, et on entendait aussi un frôlement de pieds sur la mesure, mais si faible, si léger, qu’aucun pied humain n’en aurait pu produire un semblable. Ses cheveux se dressaient sur sa tête, ses jambes fléchissaient sous lui ; cependant, il avança et écouta encore ; on chantait des paroles : c’étaient des paroles qu’il se rappelait avoir faites lui-même sur cet air, dans la nuit où il s’était éloigné d’Anna ; il ne les avait jamais dictés à personne, et cependant on les chantait :

Quelques instants, et la forêt déserte
Va pour moi seul être un palais riche et pompeux ;
Le chêne épais forme une tente verte ;
Et sous ce toit frais, parfumé, nous serons deux.

Signe orgueilleux de grandeur souveraine.
Rouge turban plissé sur la tête des rois,
Non, tu n’as pas l’éclat de ces tresses d’ébène
Qui couronnent son front et que nattent mes doigts.

J’ai vu souvent, à des fêtes moins belles,
Briller dans les cheveux d’une femme à l’œil noir
Des diamants aux vives étincelles.
Comme l’étoile bleue au ciel sombre le soir.

Et j’aime mieux l’églantine séchée
Dont ses cheveux tout un grand jour furent liés,
Et j’aime mieux la mousse encore penchée
Qui garde empreints, sur son velours, ses petits pieds.