Page:Keats - Poèmes et Poésies, trad. Gallimard, 1910.djvu/97

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Produit par le soupir même qu’exhale le silence ;
Car on ne pouvait discerner le plus faible mouvement
De toutes les ombres qui s’allongeaient sur la pelouse.
L’œil le plus glouton pouvait vagabonder au large
Pour regarder la variété de ce qui l’entourait ;
Sonder la transparence jusqu’au tréfonds de l’horizon
Et suivre les lignes presque effacées de ses contours ;
S’imaginer les bizarres et capricieux méandres
D’une fraîche allée de bois qui ne finit jamais ;
Ou d’après les ombreuses crevasses et les pentes feuillues
Deviner où les gracieux ruisseaux se rafraîchissent.
Un instant je regardai, et me sentis aussi léger, aussi libre
Que si d’un mouvement d’éventail les ailes de Mercure
Avaient joué sous mes talons : mon cœur était léger,
Et de nombreuses jouissances surgissaient à mes yeux ;
De sorte qu’aussitôt je me mis à composer un bouquet
De splendeurs brillantes, laiteuses, harmonieuses et rosées.
Un buisson de fleurs de Mai avec des abeilles les butinant ;
Ah certes ! nul recoin plaisant n’en serait dépourvu !
Que le cytise juteux fasse couler sur elles ses grappes,
Que les hautes herbes croissent autour des racines pour les garder
Humides, fraîches et vertes ; et ombragent les violettes
Pour qu’elles enlacent la mousse dans le réseau de leurs feuilles.