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que s’accomplit cette union ineffable que Jésus-Christ, à sa dernière heure, conjurait son Père d’opérer entre lui et la créature rachetée[1]. Pendant que la nature vit encore en nous, quelque chose nous sépare de Dieu et de Jésus ; et l’amour de Jésus nous presse[2] d’achever le sacrifice, et de prononcer cette parole dernière, que le monde ne comprend pas, mais qui réjouit le Ciel : Tout est consommé[3].


CHAPITRE VI.

DE L’ÉPREUVE DU VÉRITABLE AMOUR.

1. J.-C. Mon fils, votre amour n’est encore ni assez fort ni assez éclairé.

Le F. Pourquoi, Seigneur ?

J.-C. Parce qu’à la moindre contrariété vous laissez là l’œuvre commencée, et que vous recherchez trop avidement les consolations.

Celui qui aime fortement demeure ferme dans la tentation, et ne cède point aux suggestions artificieuses de l’ennemi. Dans le mauvais comme dans le bon succès, son cœur est également à moi.

2. Celui dont l’amour est éclairé considère moins le don de celui qui aime, que l’amour de celui qui donne.

L’affection le touche plus que le bienfait, et il préfère son bien-aimé à tout ce qu’il reçoit de lui.

Celui qui m’aime d’un amour généreux ne se repose pas dans mes dons, mais en moi par-dessus tous mes dons.

Ne croyez pas tout perdu cependant, s’il vous arrive de sentir, pour moi ou pour mes Saints, moins d’amour que vous ne voudriez.

Cet amour tendre et doux que vous éprouvez quelque fois, est l’effet de la présence de la grâce, et une sorte d’avant-goût de la patrie céleste ; il n’y faut pas chercher trop d’appui, parce qu’il passe comme il est venu.

  1. Joan. xvii, 21, 23.
  2. II Cor. v, 14.
  3. Joan. xix, 30.