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Christine, lui ont fait choisir, dans presque tous ses ouvrages, ce genre allégorique dont l’éternelle répétition devient monotone et ennuyeuse ; on ne s’accoutumeroit pas facilement à vivre avec des gens qui rêveroient toujours, non plus qu’avec des êtres fantastiques ; et les auteurs agréables du temps de Charles VI, ont, pour ainsi dire, tous passé leurs jours au milieu des esprits et des lutins. Il s’en faut de beaucoup que ces fictions eussent l’agrément des romans de Chevalerie, où le merveilleux, s’éloignant plus de la réalité des choses établies, étoit plus propre à divertir l’imagination dans ceux du quinzième siècle. La fiction enveloppe le plus souvent des vérités très-utiles sous une plate allégorie, dont l’esprit tâche perpétuellement à se débarrasser pour en venir à la morale, qu’il cherche et ne peut trouver, tant elle est entortillée dans les voiles qu’on a multipliés autour d’elle. Le merveilleux est inutile dès qu’on parle vrai ; il ne peut, il ne doit servir qu’à embellir les écarts de l’imagination. Si quelquefois Ésope et la Fontaine ont enveloppé sous d’agréables fictions une morale utile, admirons en même-temps combien ces mêmes fictions sont simples, et combien l’application la plus fine et la plus délicate en est facile aux esprits formés. La vision de Christine n’est pas de ce genre, il faut en convenir, et cet ouvrage ne vaut pas le